mercredi 4 octobre 2017

Interview : SWMRS




En avril dernier, SWMRS assurait la première partie d’All Time Low à l’Elysée Montmartre. Ce soir 26 septembre, le groupe était de retour dans la capitale pour un show (gratuit!) en tête d’affiche au Supersonic, et il a littéralement retourné la salle. Retour sur notre entretien avec Cole Becker, chanteur, et Seb Mueller, bassiste.




J’aimerais commencer par aborder un sujet un peu bidon et à propos duquel vous avez sans doute déjà dû vous expliquer de multiples fois : le nom de votre groupe ! Il a changé à plusieurs reprises depuis que vous avez commencé à jouer ensemble, et j’aimerais connaître les raisons qui vous ont poussés à renommer votre groupe un si grand nombre de fois ?

Cole : On parlait justement tout à l’heure du fait qu’on voulait simplement prendre un nouveau départ pour que l’on puisse nous-mêmes avoir plus de libertés vis-à-vis de nos chansons. Ainsi, les gens n’auraient pas vraiment d’attaches et personne ne pouvait dire « Tiens, le premier EP de tel groupe était meilleur, le deuxième est nul » ou des trucs comme ça. De l’eau coulait sous les ponts, on évoluait, et nos morceaux ne se ressemblaient du coup plus vraiment parce que nous grandissions à la fois en tant qu’humains et en tant qu’artistes. Nos centres d’intérêts et nos envies n’étaient plus les mêmes. Certaines personnes nous connaissaient déjà avant qu’on entre dans la puberté ! Et il est inutile de dire que, comme tout le monde, nous ne sommes plus les mêmes depuis cette période-là.


Les gens doivent souvent se demander comment prononcer « SWMRS ». Quand on connaît l’évolution de votre nom il paraît évident qu’il s’agit d’une version condensée de « Swimmers », mais avez-vous déjà imaginé ce que votre nom pourrait signifier si ces lettres étaient en fait un acronyme ?

Cole : En fait oui, on y a déjà pensé ! On avait trouvé « Stand With My Righteous Sons ».

Seb : Ça ferait un bon nom pour un groupe de rock chrétien non ?

Cole : Un autre que nous avions, c’était « Some Whites Making Rock Sounds ».

Seb : Moi j’ai une mémoire pourrie, je crois qu’on en avait encore trouvé d’autres mais pas moyen de m’en souvenir. Attends voir… [il réfléchit pendant un long moment, l’air très concentré] « Store… Wild… Mushrooms… Respectevely Soon » [lui et Cole explosent de rire].


Vous êtes tous encore très jeunes, mais vous avez déjà une sacrée carrière derrière vous. Le groupe a été fondé en 2004, vous n’aviez même pas 10 ans !

Cole : En fait, il faut avouer que la date de création du groupe n’est pas très claire, pas même pour nous. Nous avons fondé un groupe avant même de savoir jouer d’un quelconque instrument, Joey, Max et moi. On était à l’école ensemble et nous avons regardé le film School Of Rock [Rock Academy en français]. Et à la fin du film, on s’est regardés en se disant : « C’est ça qu’on veut faire ! ».  Peu de temps après, nous avons rencontré Seb. On avait déjà changé plusieurs fois de noms, à ce moment-là on s’appelait Emily’s Army, et on voulait juste s’éclater un peu. Mais quand Seb nous a rejoints, nous avons assez vite évolué – mentalement et artistiquement – et on s’est dits « Bon, assez joué. Maintenant, il est temps de faire de ce groupe notre gagne-pain ! ».


Comment ont réagi vos parents et vos amis quand vous leur avez annoncé cela ? Est-ce qu’ils vous ont pris au sérieux tout de suite ?

Cole : Je crois que nos parents à Max et moi nous ont pris au sérieux, oui.

Seb : Les miens aussi… je crois ! Mais on a tous la chance d’avoir des parents géniaux qui nous soutiennent énormément et croient en nous.

Cole : Par contre nos « amis » de l’époque c’était pas toujours ça… C’est pour ça qu’on n’est plus vraiment amis aujourd’hui ! Certains d’entre eux me suivent encore sur les réseaux sociaux et je pense que certains crachent encore dans notre dos. Mais bon, « haters gonna hate » comme on dit ! Puis j’ai appris avec le temps à me débarrasser des relations toxiques. On rencontre tellement de gens qu’on ne peut pas apprécier tout le monde, et chaque personne qui me donne une raison de lui en vouloir ou de la détester, je m’en éloigne, tout simplement.


De 2004 à aujourd’hui, quels sont les trois points forts de votre carrière d’après vous ?

Cole : Wow, c’est compliqué… Sûrement jouer au Late Night Show de James Corden, cette émission ultra-célèbre aux Etats-Unis.

Seb : Ecouter pour la première fois notre premier album dans une intégralité, une fois qu’il était prêt à être diffusé.

Cole : Le concert d’Halloween dans la ville dont on est originaire l’année dernière, c’était un sacré moment aussi. Il y avait environ mille personnes, ce qui pour nous est énorme. Nous rentrions d’une année de tournée que nous achevions chez nous… Et l’accueil qui nous a été réservé était extraordinaire. Quand on se rend dans différents pays, on réalise que le marché, les attentes et les fans sont différents partout. Alors quand tu rentres chez toi, que tu vois que les gens font la queue sur des centaines de mètres pour attendre l’ouverture des portes, c’est absolument dingue !

Seb : Un autre point fort de notre carrière, c’est un point fort auquel nous avons droit tous les jours. Nous passons une grande partie de nos journées à travailler, entre la promo, les balances, le show, l’écriture, tout ça, mais nous prenons aussi chaque jour le temps de découvrir un peu les villes dans lesquelles nous nous trouvons. Et se balader à Paris, ou à Tokyo, à des milliers de kilomètres de chez nous, sur d’autres continents, à des milliers de kilomètres des gens avec qui tu as grandi, c’est quelque chose dont je ne me lasserai jamais. Ça peut paraître « normal » à certains artistes, peut-être que certains s’y habituent et s’en lassent même, mais je suis toujours aussi émerveillé de découvrir quasiment une nouvelle ville par jour !

Votre album Drive North est sorti il y a quelques mois, il me semble que pour l’écrire et l’enregistrer vous avez eu droit à l’aide du père de votre batteur Joey, Billie Joe Armstrong…

Cole : Absolument ! Tout comme il nous avait déjà énormément aidés avec les albums précédents, aussi. Il est toujours derrière nous, depuis le tout début.


Pensez-vous que le fait qu’il ait été là et que les gens assimilent en quelque sorte votre groupe à Green Day ait contribué à vous rendre célèbres ?
Cole : Tu sais, c’est très, très compliqué pour les groupes d’attirer le public. Il y a tellement de formations différentes, les gens passent de l’une à l’autre sans y prêter trop attention. Bien sûr, ils tiltent quand ils réalisent que Joey est le fils de Billie Joe. Et de notre côté, on est conscients de la chance que nous avons de l’avoir auprès de nous. Plus encore que de nous faire gagner de l’audience, il nous apporte toute son expérience et nous conseille d’une façon qu’un parent « normal » serait incapable de faire. C’est une chance inouïe que quelqu’un de si incroyablement talentueux, intéressant et gentil puisse être notre mentor. Il est en quelque sorte notre « voix de la sagesse », il sait à quoi ressemble l’industrie musicale et quels sont les bons chemins à prendre – et, au contraire, les chemins sur lesquels il ne vaut mieux pas s’aventurer.
Je suis tellement reconnaissant de l’avoir. De pouvoir lui parler, lui poser des questions sur chaque nouvelle étape, chaque nouveau tournant. Parfois on a l’impression de perdre pied, que les choses nous dépassent complétement, et il nous rassure en disant : « Ne vous inquiétez pas. Cela m’est arrivé à moi aussi. » ou encore « Green Day est passé par là aussi ».
En grandissant, j’ai eu l’immense chance de voir à quoi ressemblait la vie d’une rockstar et de comprendre ce que cela entraînait de faire partie d’un groupe – d’autant plus que Green Day est l’un des tout derniers véritables groupes de rock. C’est Billie Joe qui nous a donné l’envie de nous accrocher, et nous avons pu nous fixer certains objectifs en assistant au succès de Green Day. Bon, en arriver là où ils sont, c’est sans doute complétement irréalisable – parce que c’est vraiment les patrons ! – mais agir de façon professionnelle et prendre notre musique suffisamment au sérieux pour qu’elle nous emmène aussi loin que possible, c’est en le regardant faire que nous avons appris à le faire aussi.


Avez-vous déjà envisagé de partir en tournée avec Green Day ?

Cole : Nous avons toujours évité de le faire. Les gens trouvent déjà suffisamment de raisons de nous accuser de favoritisme et de « fils à papa », on n’aimerait pas trop leur donner de raisons supplémentaires de rager – même si, au fond, on adorerait faire ça. Il ne faut pas se mentir, c’est toujours agréable d’être sur les routes avec des gens que tu connais et en qui tu peux avoir confiance.
Cela dit, on va jouer notre premier show avec Green Day (enfin, après tant d’années !) en juillet à Hyde Park, à Londres. Et puis, maintenant que nous sommes nous aussi des musiciens professionnels, ce serait bien qu’on arrive à parler de cette « collaboration » et que les gens nous prennent un peu plus au sérieux.


Vous avez signé avec Fueled By Ramen il y a quelques mois. Cela a-t-il changé quelque chose à votre manière d’écrire, de composer ou d’enregistrer ?

Cole : Non, parce qu’en fait nous avions déjà toutes les chansons avant de signer avec Fueled By. Nous avons mis pas mal de choses au point avec le label au moment de la signature : pour nous, il ne s’agit pas d’être chaperonnés, on n’a pas besoin que quelqu’un nous dise quoi faire ou comment le faire. Il s’agit de passer du statut de « groupe qui fait tout soi-même » à « groupe signé dans un grand label ». Là où nous avons eu de la chance, c’est que chez Fueled By Ramen, personne n’a essayé de nous faire entrer dans un moule, au contraire : ils apprécient et respectent la singularité de chaque groupe. On garde toujours énormément de libertés. Pour un groupe indé, c’est une chance inouïe de signer auprès d’un si gros label.


All Time Low ont eux aussi annoncé avoir rejoint Fueled By Ramen il y a quelques mois d’ailleurs ! Ecoutiez-vous la musique du groupe avant d’apprendre que vous partiez en tournée ensemble ?

Cole : Nous avons tellement baigné dans la scène « DIY » que nous ne côtoyions quasiment que des artistes issus de cette scène-là… C’est vrai qu’on n’a jamais beaucoup écouté All Time Low en grandissant, même si on connaissait les classiques du type Dear Maria. Mais aujourd’hui, c’est tellement dingue de les voir sur scène, de pouvoir assister à leurs petits rituels, de partager leur quotidien ! Quand tu es habitué à tourner avec les mêmes personnes ou le même « genre » de groupes, tu vois toujours les mêmes gestes, les mêmes façons de faire. Alors qu’avec eux, nous découvrons un nouvel univers !


Quel est le moment qui vous a le plus marqué sur cette tournée ?

Cole : Il y a un show de la tournée, où je disais que c’était mon concert préféré, mais je ne sais plus où c’était…

Seb : Cambridge ?

Cole : Cambridge c’était bien ouais, mais il y en avait un autre plus tard, aussi. Il y a eu toute une succession de shows que j’arrive plus à replacer.

Seb : Norwich ?

Cole : Oui, Norwich c’était super cool mais il y en avait encore un autre avant. Peu importe : il y a eu trois ou quatre concerts où l’énergie du public était particulièrement positive. On est très bien reçus partout, mais ces quelques shows-là étaient vraiment exceptionnels. Un autre moment fort de la tournée, c’était la première fois où nous avons vu la bite de Jack [All Time Low]. Cela restera gravé à tout jamais dans nos mémoires…


Avec quel autre groupe aimeriez-vous tourner après ça ?

Seb : Franchement, n’importe qui ! On aime tellement être sur les routes qu’on pourrait vraiment le faire avec n’importe quel groupe.

Cole : Oui, n’importe qui… Mais si je pouvais, je choisirais un petit groupe avec lequel nous sommes amis et que nous n’avons jamais l’occasion de voir parce que chacun est en tournée de son côté. Ce sont des groupes comme Diet Cig ou Power Button. Dans le milieu musical, on se fait sans cesse de nouveau amis que l’on rencontre en tournée ou sur des festivals, mais manque de bol quand on rentre de tournée, on habite à l’autre bout du pays l’un de l’autre.


Vous avez déjà eu l’opportunité de jouer à un certain nombre de festivals, mais y en a-t-il un que vous rêveriez de faire ?

Cole : Burning Man ! Non, plus sérieusement, Lollapalooza ce serait top. Mais je préfère attendre encore un peu avant de participer à des trop grands festivals, parce que c’est toujours bizarre de jouer sur une scène ultra-reculée à une ou deux heures de l’après-midi, on n’est pas vraiment dans l’ambiance festival… Pour être honnête, j’aime pas vraiment les festivals !


Vous est-il déjà arrivé de penser que vous aviez fait une erreur en quittant l’école pour vous consacrer à la musique ? Vous n’avez jamais eu envie de faire machine arrière ?

Cole : Non, jamais. Et cela n’arrivera jamais. Nous sommes des musiciens, la musique coule dans nos veines, c’est une chose qu’on ne peut pas nier et à l’encontre de laquelle on n’ira jamais.

Seb : Cela dit, j’ai toujours dans un coin de ma tête l’envie de faire une école de médecine. J’y serais sans doute s’il n’y avait pas eu le groupe ! Mais ce n’est pas pour autant que je regrette d’avoir arrêté l’école, j’adore faire partie de SWMRS et nous vivons ensemble une aventure vraiment extraordinaire.

Cole : Comme dans tous les groupes, il nous arrive de ne pas être d’accord sur certains points et la tension monte alors un peu. Mais aucun d’entre nous n’est jamais parti en disant « Allez vous faire foutre, je quitte le groupe » ! Mais même si cela devait arriver, ça ne voudrait pas dire que l’on arrêterait de faire de la musique pour autant. La musique révèle qui nous sommes, nous nous affirmons à travers elle. Chacun a sa passion, pour certains c’est l’écriture, ou la peinture, ou leur job, nous c’est la musique. C’est une partie de qui nous sommes.


Imaginez que pour une raison ou pour une autre, vous n’aviez jamais formé ce groupe. A votre avis, où seriez-vous aujourd’hui ?

Cole : Je travaillerais sûrement dans les mines de charbon. J’aime à penser que je ferais quelque chose qui aurait un impact positif sur la vie de certaines personnes. Si je pouvais devenir défenseur de l’ordre public, ou avocat, un truc comme ça. Mais pour être honnête, je dis ça parce que la situation ne se présente pas ; si je devais rester réaliste, je pense que je serais en train d’exercer un job banal comme caissier ou serveur.

Seb : Et moi je serais soit en train de devenir médecin, soit aussi coincé dans un petit job alimentaire !


Il ne nous reste plus qu’à souhaiter beaucoup de succès dans votre carrière musicale, du coup ! Pour conclure l’interview, connaissez-vous quelques mots en français ?

Seb : Cole parle couramment le français !

Cole : [en français] Oui ! Mais je ne suis pas vraiment bilingue…

Mais on aurait pu faire l’interview en français ?

Cole : Euh… Tu aurais pu essayer, mais je pense que je n’aurais pas compris la moitié des questions ! Ou alors j’aurais été incapable de répondre. [Il continue en français] Est-ce qu’il y a des phrases importantes à dire sur scène ?

« Bonjour Paris », « Merci d’être venus »…

Cole : Est-ce que ça se dit « Sautez avec moi » ?

Oui, aussi ! Tu n’as pas besoin de moi en fait, tu t’en sortiras très bien !

Seb : Avec moi on serait pas allés bien loin, je connais juste « fromage » et « jambon » !


Et le 26 septembre, pendant le set de SWMRS, Cole nous a prouvé une nouvelle fois qu'il maîtrisait parfaitement notre langue, n'hésitant pas à se lancer dans des discours engagés. Le groupe nous a offert une soirée survoltée et très rafraîchissante, promettant de revenir très vite dans la capitale. 


Interview réalisée en face à face par Laurie B. 
Merci à Valentin G. de Warner Music. 




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