Quatre ans. Quatre longues années depuis que The Inevitable And I avait enchanté nos oreilles, éveillé nos sens, illuminé nos cœurs. Qu’il ait été oublié par manque d’actualité pour certains, plus qu’attendu par d’autres, ce second album suscite dans tous les cas désir et appréhension. Rares sont les groupes ayant sorti un album culte au premier coup d’essai, plus rares encore sont ceux ayant maintenu leur qualité sur les albums suivants. C’est donc avec une certaine fébrilité, pour ne pas dire une fébrilité certaine, que l’on appuie sur « play ».
Les vingt premières secondes seront une éternité… Notre cœur bat au rythme de la grosse caisse tandis que nous n’osons respirer par-dessus ces slides évasifs de guitare, comme enchaînés par l’angoisse. « Clic ! » Et la vingt-et-unième seconde de nous délivrer de ces fers, la voix de Jesse Clasen nous emportant dans un torrent d’émotions. Aussi léger qu’une plume, aussi doux qu’une caresse, le chant porte les mots reflétant parfaitement notre état d’esprit : « This is bigger than you, this is better ». Nous sommes effectivement peu de choses face à la beauté de ces deux minutes trente, qui nous replongent immédiatement dans l’ambiance spatiale de The Inevitable And I. Mais aussi dans sa complexité. Car si "Black Creme" nous a rassurés quant à la suite, il n’en reste pas moins que From The Bird’s Cage va se révéler au moins aussi exigeant que son prédécesseur.
A la première écoute, pas ou peu de refrains ne retiennent notre attention, le peu de structures établies déroute et l’homogénéité de l’ensemble nous noie. Les quatre musiciens semblent prendre un malin plaisir à nous perdre dans leurs lisses compositions alors que Clasen survole les notes de sa neutre et fragile voix ("Flaming Creatures"). Seules subsistent quelques lignes de chant comme cette aérienne « Shout, shout, shout, shout it now, now, now » sur "Timid Scripts".
Et petit à petit l’on se surprend à siffloter certains passages, à se remémorer quelques bribes de textes, sans pour autant pouvoir nommer la chanson en question ou la situer dans l’album.
Et petit à petit l’on réécoute encore et encore ces 10 morceaux comme irrésistiblement aspiré par l’effet hypnotiseur des arpèges, comme porté par la guitare basse et soulevé par le son mat des percussions.
Et petit à petit l’on découvre la minutie des détails, la pertinence des ajouts (pour ne citer qu'eux, les cuivres de "Kids With Fake Guns" ou de "We Never Shut Up About You" – que ne renieraient pas Circa Survive) ou la qualité des arrangements qui laisse chaque instrument respirer et s’exprimer.
Malgré la perte de leurs voyelles, HRVRD gardent cette atmosphère spatiale, psychédélique et tortueuse jusqu’à en devenir dérangeante comme sur "New Information" qui semble jouer avec nos tripes, nouant et étirant nos entrailles sans pour autant les disjoindre. Ou bien avec le texte de "Old Nature", soutenu par une écrasante session rythmique, qui évoque les lois séculaires de la Nature et leur supériorité sur notre existence. Heureusement le malaise est toujours nuancé par la beauté des compositions et le quintet saura nous remettre d’aplomb avec des titres plus directs tels que "Futurist" et surtout "Cardboard Houses" qui se révèle être le véritable hymne de l’album : « Call! For! The blood! Of your leaders / Card!board! Homes! For your people » scande Jesse sur les cris de la lead et les tampons de la session rythmique. Mais la folie mélancolique reste le credo d’HRVRD, qui nous le prouve encore sur le final "Eva Brüke" pour lequel le piano se fait oppressant tandis que le texte sur un amour perdu oscille entre menaces, doutes, regrets, vengeance, pardon et oubli avant de conclure tant l’histoire que l’album : « But some things are better left unsaid / Yeah, some things are better left unsaid ».
Certaines choses valent en effet mieux d’être écoutées, ressenties, vécues, plutôt que discutées. Alors arrêtez de lire cette chronique et foncez écouter From The Bird’s Cage ! Exigeant pour l’auditeur (son principal défaut) mais plus concis que The Inevitable And I, cet album assure à HRVRD une place au panthéon des artistes emo/indie/experimental grâce à des compositions tout à la fois planantes, rêveuses, dérangeantes, recherchées et véritablement personnelles. Sans révolution majeure mais avec un gain de maturité évident, From The Bird’s Cage se pose d’ores et déjà comme une référence du genre.
4/5
Benoît D.
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